A l’image des entreprises, les experts-comptables peuvent soutenir des causes d’intérêt général par le mécénat, et bénéficier des avantages fiscaux liés à celui-ci. L’Asforef a donné l’exemple, en achetant 3 oeuvres d’art pour décorer les locaux qu’elle partage avec l’Ordre régional des experts-comptables d’Ile-de-France et la compagnie régionale des commissaires aux comptes.

Dès l’entrée du 50 rue de Londres, le visiteur peut admirer les bandes verticales du mur peint de Kees Visser. « La rénovation des locaux a été l’occasion d’investir dans l’art en tant que mécène », explique Cécile de Saint-Michel, présidente de l’Asforef. Partageant la maison de la profession avec l’Ordre régional des experts-comptables d’Ile de France et la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, l’institut de formation a acheté les trois oeuvres d’art qui décorent les lieux. « La rénovation nous a donné l’occasion de changer toute la décoration. Nous avons souhaité surprendre en soutenant des artistes vivants, et modernes », sourit la présidente. « Le mécénat n’est pas chose courante dans la profession. Il nous semblait important de montrer que les experts-comptables peuvent aussi être mécènes. Chez les Anglo-saxons, lorsqu’une nouvelle construction publique voit le jour, elle doit obligatoirement intégrer, avec l’aide du mécénat, une oeuvre d’art. »
L’Asforef, qui a pris à sa charge toute la dépense liée à l’achat des 3 oeuvres, a bien évidemment défiscalisé comme la loi l’y autorise (voir interview de L. Arrouasse), le montant de la dépense. « Nous avons dépensé 126 000 euros pour l’achat de ces œuvres, mais 60 % de cette somme a donné lieu à un crédit d’impôt », précise Cécile de Saint-Michel. « Financer des artistes vivants est aussi un investissement, au même titre que l’immobilier. C’est un pari sur l’avenir. Ces trois artistes sont connus, et leurs œuvres peuvent prendre de la valeur au fil du temps. »

Comment se définit le mécénat ?
L’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière le définit comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une oeuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général (culture, recherche, humanitaire…) » Le mécénat ne doit pas être confondu avec le sponsoring (ou parrainage), qui est un « soutien matériel apporté à une manifestation, une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ». Il se distingue essentiellement du mécénat par la nature et le montant des contreparties.
Le mécénat sert à promouvoir la notoriété et l’image de l’entreprise tandis que le parrainage promeut une marque ou un produit, avec la diffusion de messages publicitaires qui impliquent la recherche directe de retombées économiques.
Quelle formes peut prendre le mécénat ?
Il existe sous trois formes principales : le mécénat financier ou en numéraire, le mécénat de compétence, qui consiste à mettre à la disposition de la structure aidée du personnel de l’entreprise sous la forme d’un prêt de main-d’oeuvre, et le mécénat en nature ou en produits : l’entreprise donne des biens inscrits au registre des immobilisations ou en compte de stock. Les domaines d’application du mécénat sont nombreux, mais strictement définis par les textes fiscaux1 : social, culturel, sportif, éducatif, scientifique ou environnemental.
Tous les organismes peuvent-ils bénéficier du mécénat ?
Ils sont nombreux à pouvoir en bénéficier, à condition de répondre aux critères fiscaux d’intérêt général. Citons les associations simplement déclarées et les associations reconnues d’utilité publique (association 1901 ou 1905 cultuelle), à condition que l’entité bénéficiaire soit éligible et ait une mission d’intérêt général, les fondations, les fonds de dotation ; certains établissements d’enseignement public ou privé agréés ; l’État, ses établissements publics et les collectivités territoriales et certains organismes spécifiquement prévus par la loi (presse, patrimoine…). En revanche, toutes les entreprises peuvent être mécènes.
Quel est l’intérêt du mécénat pour les entreprises ?
Aujourd’hui, les entreprises s’impliquent de plus en plus dans les grandes questions de société, avec la conviction que leur action ne s’inscrira dans la durée que si elles contribuent de façon active à l’amélioration du bien-être de la communauté qui les entoure. Le mécénat est un acte de philanthropie, qui permet néanmoins à l’entreprise d’accroitre son rôle dans le développement économique et social de son territoire.
En s’engageant concrètement dans des actions citoyennes, l’entreprise affirme sa responsabilité́ sociétale, elle affiche des valeurs positives dans le cadre de l’intérêt général, le mécénat d’entreprise ne relève pas de la charité́ ou de la compassion, mais d’une décision de gestion réfléchie.
Et pour les experts-comptables ?
D’une part, les experts-comptables sont des chefs d’entreprise comme les autres. À ce titre, ils peuvent être mécènes. D’autre part, ils doivent aider et conseiller leurs clients sur la pertinence de leurs choix en matière de mécénat et les informer sur les dispositifs fiscaux en vigueur.
Pouvez-vous détailler les règles fiscales s’appliquant au mécénat ?
Ses modalités et son champ d’application sont définis par les articles 238 bis, 238 bis-0A, 238 bis-0 AB et 238 bis AB du Code Général des Impôts (CGI). Les entreprises mécènes bénéficient d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant du don retenu, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires H.T. Si ce plafond est dépassé, il est possible de reporter l’excédent au titre des cinq exercices suivants. Plus le taux d’IS est bas, plus l’attractivité fiscale du mécénat est forte. La loi de finances pour 2019 a créé une franchise de 10 000 € en faveur des TPE-PME (article 148). Elle impose aussi de nouvelles obligations déclaratives pour les entreprises qui effectuent plus de 10 000 euros de versements au cours d’un exercice. À compter du 1er janvier 2019, celles-ci doivent dorénavant déclarer à l’administration fiscale le montant et la date de ces dons et versements, l’identité des bénéficiaires ainsi que le cas échéant, la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie.
Attention à la valorisation des contreparties. Toutes les contreparties matérielles et immatérielles doivent être identifiées dans le cadre de la convention de mécénat, y compris l’apposition du nom ou de la marque commerciale de l’entreprise mécène sur les supports d’information ou de communication. Ces contreparties matérielles sont valorisées au prix commercial pratiqué au public. Un rapport de 1 à 4 entre les montants des contreparties et celui du don est communément admis ; ce qui signifie que la valeur des contreparties accordées à l’entreprise mécène ne doit pas dépasser 25 % du montant du don. Lorsque la valorisation des contreparties est incertaine ou délicate, certaines entreprises optent pour le partenariat sous réserve qu’il respecte les conditions de l’art 39-1-7 du CGI du mécénat.
Faut-il formaliser les engagements au titre du mécénat ?
Oui, il est recommandé de rédiger une convention fixant les modalités réciproques des deux parties et signée par celles-ci. Elle précisera l’objet de la convention, la nature et le montant du don, les modalités du règlement, les contreparties accordées clairement définies et valorisées, la communication, les droits photographiques, la résiliation, la durée…
RENDEZ-VOUS : LES CHEMINS DU MÉCÉNAT
Jeudi 27 juin, 17h30 au 50 rue de Londres
Dans la continuité de l’initiative du Conseil Supérieur, l’Ordre francilien organise un événement dédié. Ce rendez-vous sera l’occasion pour les consœurs et confrères de s’informer sur les dispositifs fiscaux en vigueur et d’apporter un conseil à leurs clients dans leurs choix en matière de mécénat. Au-delà du programme, la soirée permettra aux participants de découvrir les oeuvres exposées au 50. ◆
