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Exercice illégal : une lutte sans relâche

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Le nombre d’illégaux présumés en région Île-de-France est plus important que celui des experts-comptables inscrits au sein de l’Ordre.
En réponse à ce constat, le conseil régional lutte quotidiennement contre l’exercice illégal de la profession et la délinquance financière.

Qu’est-ce que l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable ?

Les experts-comptables jouent un rôle essentiel dans la gestion financière et la conformité fiscale des entreprises, ce qui justifie la stricte réglementation entourant la profession pour garantir la protection des intérêts économiques. À cet effet, l’article 2 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 vient protéger la profession et l’article 20 vient strictement condamner le délit d’exercice illégal.

Concrètement, l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable se produit lorsqu’une personne, qui n’est pas inscrite à l’Ordre en tant qu’expert-comptable, prétend fournir des services comptables ou financiers réservés à cette profession. La prérogative d’exercice est définie aux deux premiers alinéas de l’article 2 de l’ordonnance du 19 septembre 1945.

À quoi s’expose la personne qui exerce illégalement la profession ?

L’illégal présumé peut se voir condamner pénalement à des amendes et même à des peines d’emprisonnement. Ces condamnations étant prévues aux articles 433-17 et 433-25 du Code pénal :

  • pour les personnes physiques : un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
  • pour les personnes morales : une amende encourue de 75 000 € et des peines accessoires ou complémentaires peuvent aussi être prononcées.

La complicité est également sanctionnée au même titre que l’action principale.

À titre d’exemple, par un jugement en date du 10 mars 2023, un non-membre de l’Ordre exerçant sous la complicité de l’expert-comptable s’est vu condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis, à la restitution des scellés, à 1 000 € de dom- mages et intérêts, mais également à 3 000 € d’amende au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale. L’expert-comptable complice quant à lui a été condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis, 10 000 € d’amende dont 5 000 € avec sursis, 3 ans d’interdiction d’exercice professionnel avec sursis, à la confiscation des sommes saisies mais également à 1 000 € de dommages et intérêts et à 3 000 € d’amende au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale (13e chambre correctionnelle).

Que fait l’Ordre pour lutter contre ce fléau ?

Une commission est spécialement dédiée à la lutte contre l’exercice illégal de la profession, et plus généralement à la délinquance financière. La commission se réunit 5 fois par an et propose au conseil régional des décisions adaptées à chaque cas.

CETTE LUTTE S’ARTICULE AUTOUR DE DEUX VOLETS :

PRÉVENTIF

Grâce à vos signalements et éléments de preuves, nous avons la possibilité d’agir et d’enquêter. À cette fin, nous recevons des personnes soupçonnées d’exercice illégal de la profession afin de les entendre. La commission décide ensuite des suites à donner aux dossiers (mise en garde, plainte pénale, surveillance…). Nous convoquons également des experts-comptables en situation de risque de complicité d’exercice illégal afin de les mettre en garde.

La commission agit aussi, par le biais de partenariats institutionnels, afin de prévenir et former l’ensemble des acteurs concernés.

Le volet préventif en actions depuis 2015 :

  • des centaines de mises en garde adressées aux illégaux,
  • messages préventifs à destination des chefs d’entreprise diffusés sur des écrans du Greffe du Tribunal de commerce de Bobigny et des flyers à disposition,
  • conférences organisées avec les tribunaux de commerce sur la fraude aux chiffres,
  • une veille internet permanente, 370 suppressions d’annonces illégales en 2020,
  • formation permanente des enquêteurs financiers et des juges consulaires des tribunaux de commerce,
  • conventions passées avec les tribunaux de commerce et le barreau de Paris,
  • participation au groupe opérationnel de lutte contre les sociétés éphémères de Seine-Saint-Denis, piloté par le procureur de la République de Bobigny,
  • sensibilisation des stagiaires experts-comptables de 3e année.

RÉPRESSIF

La partie répressive implique diverses actions, dont la gestion des investigations, la rédaction des plaintes et les relations avec les partenaires institutionnels tels que les magistrats, la police, la gendarmerie et les services fiscaux. Sur délégation du conseil national, nous nous constituons partie civile par le biais de nos avocats, dans des affaires pénales liées à l’exercice illégal de la profession. Cette mesure renforce la surveillance et l’application des règles professionnelles pour garantir l’intégrité de la profession et la protection des intérêts publics et économiques.

Le volet répressif en chiffres depuis 2015 :

  • 1 012 signalements reçus par le service (experts-comptables et clients victimes),
  • 310 plaintes déposées auprès des procureurs des parquets franciliens,
  • 138 personnes condamnées dont plusieurs experts-comptables,
  • 439 000 € de dommages et intérêts attribués à l’Ordre,
  • 232 enquêtes de police en cours.

Nous sommes continuellement en quête de mesures novatrices pour lutter contre les délinquants financiers.

Les pouvoirs publics ont souligné l’efficacité des actions menées par notre conseil régional dans la lutte contre l’exercice illégal et la délinquance financière (Financement du terrorisme rapport TRACFIN 2018/2019 – cas 34).

Dans ce rapport, pour la première fois, l’exercice illégal de notre profession est reconnu par l’agence de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) comme acteur prépondérant dans une grave affaire de financement d’actions terroristes particulièrement meurtrières, devant se dérouler durant l’EURO 2016.

Le conseil régional de Paris se félicite d’avoir participé à la prévention de ces crimes ayant donné lieu à un procès devant la cour d’assises spéciale de Paris. Dans ce dossier, le conseil régional avait préalablement déposé plainte contre les illégaux pourvoyeurs de faux bilans et obtenu leurs condamnations pour ce délit.

L’Ordre a toujours été très attentif au respect de sa prérogative d’exercice dont la raison essentielle repose sur la nécessité de sécuriser les comptabilités des opérateurs économiques, et donc l’assiette fiscale (…) L’ampleur et la sophistication des situations d’exercice illégal l’a conduite (la commission) à renforcer et à intensifier son intervention par des dépôts de plaintes plus accrus.
Maître Vanessa Bousardo, avocate et vice-bâtonnière du barreau de Paris, ancienne secrétaire de la conférence

Je reprends un client, comment m’assurer que la comptabilité n’était pas tenue par un illégal ?

La détection d’une personne exerçant illégalement la profession requiert une vigilance particulière, et plusieurs points sont à prendre en considération :

  • Vérification des qualifications : il est essentiel de s’assurer que l’individu ou l’entreprise prétendant être un expert-comptable possède les qualifications et l’inscription nécessaire auprès de l’Ordre professionnel compétent. Cela peut être vérifié en consultant les registres officiels des experts-comptables.
  • Respect de la déontologie : les experts-comptables sont tenus de respecter des normes professionnelles strictes. Toute divergence flagrante quant à ces normes, comme des pratiques comptables douteuses, peut être un indicateur d’exercice illégal. Vigilance sur les lettres de reprise.
  • Méfiance envers les offres trop alléchantes : des prix excessivement bas ou les promesses de résultats extraordinaires peuvent indiquer un exercice illégal.

 

J’ai été contacté par un non-membre de l’Ordre qui établit illégalement la comptabilité, pourquoi et comment faire un signalement à la commission ?

Il est important de signaler toute pratique illégale à la commission. Bien souvent, vous aurez affaire à un illégal dans le cadre d’une reprise d’un client, ou d’un rachat de clientèle.

Voici comment vous pouvez procéder :

  • Rassemblez des preuves : Avant de faire un signalement, il est très important d’obtenir des preuves solides de l’activité illégale. Cela peut inclure des documents (contrats, factures), des courriels, des messages, des témoignages de personnes concernées, etc. Plus il y a de preuves, plus il sera facile pour la commission de prendre des mesures, et d’investiguer.
  • Contactez-nous pour faire un signalement : via notre site web officiel, nous sommes également joignables par téléphone et par mail [email protected]. N’hésitez pas à détailler la situation, à inclure toutes les preuves que vous avez rassemblées et à être aussi clair et précis que possible.
  • Restez anonyme : Si vous le désirez, vous pouvez tout à fait rester anonyme dans la procédure. Il suffit de nous l’indiquer dans le corps de votre signalement.
  • Attendez une enquête : Une fois votre signalement reçu, nous menons une enquête avec les partenaires compétents pour déterminer si des actions illégales ont été commises. Le dossier sera par la suite, soumis à la commission pour suite à donner.

Il est essentiel de signaler de telles pratiques afin de protéger l’intégrité de la profession.

J’ai fait un signalement à la commission mais je n’ai pas encore eu de retour, qu’en est-il ?

Lorsque vous faites un signalement à la commission, il peut y avoir un laps de temps avant que vous ne receviez des informations sur le suivi. Les délais peuvent varier en fonction de la complexité de l’enquête mais aussi d’autres facteurs. La commission est en effet soumise au secret professionnel, nous ne pouvons communiquer au sujet d’une enquête pénale en cours. Le temps de la justice peut paraître long et frustrant mais les affaires d’exercice illégal ne sont malheureusement pas prioritaires au regard des moyens de la justice.

Le conseil est totalement engagé dans la poursuite des comptables parasites et de leurs complices. Il mobilise d’importants moyens (…) mais seul il ne peut pas faire grand-chose. Il doit être totalement soutenu par sa tutelle, les magistrats des parquets et les services répressifs (…) Au quotidien, c’est un travail global qui est réalisé (…) [Les condamnations] ont été multipliées par 15 depuis 2008 (…) elles sont en outre de plus en plus sévères (…) Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle dimension qui concerne la problématique générale de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme au sein de la profession.
Michel Bohdanowicz, président de la commission de Lutte contre l’exercice illégal et la délinquance financière

Je souhaite m’associer avec un non-membre de l’Ordre, quels sont les risques ?

Par principe et selon l’article 7 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, il est envisageable de s’associer avec une personne non-membre de l’Ordre au sein d’un cabinet d’expertise comptable. En effet, le critère prédominant étant que l’expert-comptable détienne plus des 2/3 des droits de vote. Il est également primordial que l’expert-comptable respecte la déontologie en supervisant les travaux, et en s’assurant de connaître sa clientèle.

Pour autant, s’il est légalement possible de s’associer avec un non-membre de l’Ordre, il n’en demeure pas moins que cela comporte des risques et des implications importants.

D’une part, lors de votre inscription au Tableau de l’Ordre, vous serez convoqué devant la commission du Tableau afin d’expliquer l’origine de l’association avec le non-membre et les modalités que vous envisagez pour le fonctionnement futur de votre structure. Par ailleurs, la commission vous informera qu’un contrôle ponctuel sera diligenté afin de vérifier les conditions d’exercice de cette association.

Si votre associé non-membre exerce illégalement la comptabilité ou fournit des services comptables sans être autorisé, vous pourriez être considéré comme complice de cette activité illégale si vous êtes au courant de sa conduite et que vous ne prenez pas de mesures pour l’arrêter.

En conséquence, cela peut entraîner des sanctions pénales et/ou disciplinaires. Pour rappel, la complicité est sanctionnée de la même manière que le délit principal.

Vous pourriez même être condamné plus sévèrement car vous serez considéré comme le sachant.

En vous associant avec un non-membre sans respecter les règles déontologiques, vous vous exposez à des risques de mise en cause de votre responsabilité pour des infractions telles que la présentation d’états financiers falsifiés et détournements d’actifs, la fraude fiscale, le travail dissimulé, les escroqueries aggravées, le blanchiment d’argent, et même le financement du terrorisme.

Assurez-vous de bien peser les avantages et les risques encourus avant de prendre une décision.

Puis-je reprendre la clientèle d’un illégal ?

La cession de clientèle par une personne exerçant illégalement la profession d’expert-comptable implique des risques financiers, juridiques et disciplinaires.

Lorsqu’un individu exerçant illégalement la profession d’expert-comptable souhaite céder sa clientèle, il peut recourir à diverses méthodes, notamment la cession de fonds de commerce, l’apport en nature de la clientèle à une société inscrite à l’Ordre, la cession de parts sociales d’une société nouvellement constituée ou la création d’une société par apport en numéraire. Cependant, ces transactions soulèvent des questions quant à leur validité et peuvent entraîner des risques légaux.

La validité de ces cessions dépend de la légalité de l’activité sous-jacente. Les cessions de clientèle par un individu exerçant illégalement la profession d’expert-

comptable peuvent être nulles en vertu des règles du droit des contrats. Un fonds de commerce dont l’activité est illégale peut ne pas être juridiquement reconnu, rendant par conséquent la cession nulle.

En ce qui concerne les risques associés à la cession de clientèle, il existe des risques pénaux, notamment le recel et le blanchiment. Le recel peut être constitué si la cession implique la dissimulation, la détention ou la transmission de biens provenant d’une infraction, comme l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable. Le blanchiment peut également être engagé si l’acte facilite la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus provenant d’une infraction. Ces infractions entraînent des peines d’emprisonnement et d’amendes importantes.

Sur le plan disciplinaire, l’expert-comptable qui participe à de telles cessions illégales expose sa responsabilité disciplinaire. Les experts-comptables sont en effet, tenus de se comporter avec probité, compétence et conscience professionnelle, ainsi que de s’abstenir d’actes ou manœuvres déconsidérant leur profession.

Mon client part pour un illégal, que puis-je faire ?

Dans une situation où votre client envisage de confier sa comptabilité à une personne non-membre de l’Ordre en raison de tarifs plus bas, il est essentiel de remplir votre rôle de conseiller et de professionnel.

Vous pouvez informer et conseiller votre client sur les risques encourus, y compris l’absence de responsabilité civile professionnelle, qui peut entraîner des conséquences financières et juridiques importantes.

Pour ce faire, vous pouvez utiliser le modèle de courrier établi par la commission de Lutte contre l’exercice illégal et la délinquance financière pour communiquer ces informations de manière formelle et consigner votre avertissement à votre client. Cela démontre votre engagement envers l’éthique professionnelle et la prévention de pratiques illégales. Ce document est disponible en nous adressant un courriel.

Il est essentiel que le secret professionnel soit respecté. Les documents ne doivent être échangés qu’avec votre client.

 

Contacts

Aline Bonnanfant
responsable du service
01 55 04 51 05
[email protected]

Morgane Diraison
juriste
01 55 04 31 36

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