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Exercice illégal : la Cour de cassation interdit la sous-traitance de travaux comptables à un tiers non expert-comptable

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Dans une même affaire, la Cour de cassation vient de rendre deux arrêts importants en matière de sous-traitance comptable.

Pour rappel, aucune personne, hormis si elle est expert-comptable, n’est habilitée à exercer des missions en lien avec la profession. Décryptage.

Vanessa Boussardo

Maître Vanessa Boussardo

Avocate à la Cour

Bernard Sansot

Maître Bernard Sansot

Avocat à la Cour

En effet, statuant d’abord sur une question prioritaire de constitutionnalité, la chambre criminelle a jugé, par un arrêt du 22 février 2022, que les opérations visées à l’article  2 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 ne pouvaient pas être sous-traitées à des tiers (non experts-comptables) en des termes clairs :

« … l’interdiction faite aux experts-comptables, dont l’exercice de la profession est protégé… par l’article 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, de sous-traiter ces mêmes opérations à des tiers non titulaires du titre, est une conséquence nécessaire de la réglementation de leur activité. »


La rapporteuse a rappelé que toute personne peut effectuer des travaux de comptabilité pour le compte de son employeur à titre de salarié, précisant que pour qu’il y ait infraction, il est indispensable que la prestation fournie soit l’œuvre d’une personne indépendante. La preuve de l’absence de subordination résulte normalement du paiement d’honoraires et du pouvoir d’initiative du comptable dont les travaux ne sont pas supervisés par un tiers.

Dans son avis, l’avocat général a, quant à lui, estimé qu’il n’est pas disproportionné d’incriminer la réalisation de travaux comptables par une personne extérieure à l’entreprise, qui ne serait ni inscrite au Tableau des experts-comptables, ni subordonnée, par l’effet d’un emploi salarié, à un expert-comptable.

Il a ajouté que les travaux énumérés à l’article 2 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 « forment un ensemble cohérent et ne sauraient être dissociés : les simples prestations de tenue et de centralisation de la comptabilité, notamment relèvent en effet des mêmes exigences de compétence et de probité garanties par le statut de l’expert-comptable » et que cette ordonnance « n’interdit pas le principe de la sous-traitance, mais interdit précisément toute forme de sous-traitance à une personne non-inscrite au Tableau de l’Ordre des experts-comptables. »


Ne présentant pas de caractère sérieux, la question prioritaire de constitutionnalité a été donc rejetée, l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre par cette interdiction de sous-traiter à un non-titulaire du titre étant « proportionnée au but d’intérêt général » inhérent à la réglementation de leur activité.

Statuant ensuite sur le fond de l’affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 4 octobre 2022, que « la situation de sous-traitance alléguée…, pour justifier l’exécution habituelle de travaux relevant des deux premiers alinéas de l’article  2 de l’ordonnance… du 19 septembre 1945, en dépit de leur absence de qualité d’expert-comptable, est sans incidence sur la caractérisation de l’infraction (car) le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l’égard de l’entrepreneur principal. »

« … la sous-traitance de travaux de comptabilité, qui n’implique pas la complète subordination du sous-traitant à l’expert-comptable, ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques, alors que ces objectifs justifient la prérogative exclusive d’exercice de l’expert-comptable, professionnel titulaire du diplôme afférent, qui prête serment lors de son inscription au Tableau de l’Ordre, se soumet à un Code de déontologie et à des normes professionnelles, et qui, objet de contrôles réguliers de son activité, est en outre soumis à une obligation d’assurance civile professionnelle. »

Mais surtout, par une motivation inédite, elle a apporté une précision d’interprétation sur le sens à donner au critère d’autonomie « en son propre nom et sous sa responsabilité. »


En effet, si l’infraction d’exercice illégal de la profession d’expert-comptable implique que les travaux comptables, tels que définis par l’article 20 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, aient été accomplis « par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s’attache, non pas au rapport entre ces travaux et le client au profit duquel ils sont effectués, mais à la qualité de leur auteur direct. »

La haute juridiction estime ainsi que « le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l’égard de l’entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. »

L’existence d’un lien de sous-traitance entre un expert-comptable et un tiers non-titulaire du titre ne fait donc pas échapper ce dernier à l’incrimination, les actes étant accomplis par le non expert-comptable sous sa propre responsabilité.

Par conséquent, en sa qualité de donneur d’ordre, l’expert-comptable est complice du délit d’exercice illégal de la profession d’expert-comptable commis par son sous-traitant non-titulaire du titre.

À la lumière de ces décisions, l’expert-comptable ne peut donc pas confier à un sous-traitant (non inscrit au Tableau de l’Ordre) la mission d’exercer, pour son compte, des prestations comptables, y compris la saisie de comptabilité et l’établissement des déclarations fiscales. Même l’externalisation de la simple tenue de comptabilité est interdite. Cela au nom de l’ordre public économique pour garantir la « transparence financière » et la conformité fiscale, sociale et administrative des données comptables.

L'Ordre à votre écoute

Pour répondre à vos inquiétudes et à vos interrogations à la suite de cette décision de la Cour de cassation, le conseil régional de l’Ordre a mis en place un groupe de travail pour vous proposer des solutions visant à sécuriser votre pratique professionnelle.

Pour toute question, vous pouvez contacter
le service Déontologie de l’Ordre des experts-comptables Paris IDF :

Contacter le service Déontologie de l'OEC Paris IDF
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