Voir tous les numéros
Article
10 min de lecture

Cécile de Saint Michel et Agnès Bricard : deux présidentes, une profession

Inspiration
Portrait
Inspiration
Portrait

Qu'est-ce qui vous a initialement attiré vers la profession d'expert-comptable ?

Cécile de Saint Michel : J’ai très tôt voulu devenir expert-comptable. Je suis fille et petite-fille de commerçants. Je voyais souvent l’expert-comptable qui venait voir mes parents dans leur commerce et il me semblait avoir des solutions à tout. C’est là, vers 16 ans qu’est née ma vocation.

Lors de ma première expérience en cabinet les contacts que j’ai pu nouer avec les clients m’ont confortée dans mon choix de carrière.

Agnès Bricard : Je n’ai pas été nécessairement attirée par le métier d’expert-comptable dans mes plus jeunes années. C’est à mon entrée en stage d’expertise comptable, et avant même d’obtenir le diplôme que je me suis impliquée dans la vie de la profession et son environnement, par l’intermédiaire de l’association des jeunes experts-comptables stagiaires (Anecs). Une implication essentielle pour développer de la maîtrise, une posture, et surtout le pouvoir de faire.

Je me suis lancée en ouvrant mon cabinet en 1983, en m’associant avec Elisabeth Lacroix-Philips, rencontrée à l’Anecs, motivée par l’idée de pouvoir travailler en équipe et de grandir ensemble.

En tant que présidente de l'Ordre des experts-comptables, quels étaient/quels sont vos priorités et objectifs ? Avez-vous rencontré des défis particuliers lors de votre mandat ?

Cécile de Saint Michel : Ma priorité c’est préparer notre profession à l’avenir. Nous avons subi trop de politiques attentistes, il faut prendre les devants. Bien que nos consœurs et confrères m’impressionnent toujours par les ressources qu’ils trouvent pour transformer leurs cabinets, il faut les accompagner. On ne peut pas se contenter de gérer le quotidien et attendre que le déploiement de nouvelles technologies, comme l’IA, la data et la facture électronique, fassent disparaître nos cabinets.

C’est pourquoi, par exemple, nous avons choisi de développer la plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) des experts-comptables. Seul l’Ordre était capable de réaliser un tel investissement et de garantir à tous les partenaires de la profession un libre accès.

Nous travaillons main dans la main avec les éditeurs tout en conservant le contrôle de nos données.

Agnès Bricard : En prenant la présidence en 2011, après Joseph Zorgniotti, je me donnais un double objectif.

Le rayonnement de la profession en était un, notamment par la mise en avant de la marque « expert-comptable ». Au cours de ma mandature, j’ai pris le parti de mettre l’accent sur notre capacité d’innovation pour développer les outils de valorisation de notre marque.

En tant que première femme présidente de l’institution, j’ai voulu apporter un nouveau regard. La parité est un défi qui a toujours été une priorité pour moi. J’ai notamment eu l’honneur de créer la Fédération femmes experts-comptables administratrices en 2012. Il est important de mettre en œuvre une gouvernance équilibrée dans les conseils d’administration.

En matière de prévention et de financement, j’ai défendu, et défend toujours, l’aide aux entreprises et l’accompagnement.

Quels sont, selon vous, les défis et les opportunités majeurs auxquels font face les experts-comptables aujourd'hui, tant au niveau national qu'international ?

Cécile de Saint Michel : Les opportunités sont nombreuses mais vont demander aux professionnels de s’adapter et évoluer avec leur temps. Il va falloir pousser la formation aux nouvelles missions et la préparation aux métiers de demain. Une mission qui demande une grande attention, celle de la durabilité. Un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

C’est, conscients de ces défis, et forts de grandes ambitions pour notre profession, que nous avons décidé d’axer le 79e congrès qui se tiendra du 9 au 11 octobre 2024 à Marseille sur la transformation de nos cabinets. Nous l’aborderons de manière concrète et pratique afin que ces enjeux ne soient plus facteurs d’anxiété mais deviennent générateurs de croissance.

Agnès Bricard : Trois défis se dressent devant la profession : la data, l’IA, la facture électronique. Des thèmes intimement liés et des opportunités majeures de transformation, d’adaptation et de nouvelles missions. Le métier a toujours été confronté aux évolutions et toujours capable d’y faire face.

L’Ordre a toujours été présent pour former et accompagner sur ces questions. Le rayonnement de la profession en est un autre, il faut redorer la marque « expert-comptable ». Rendons nos cabinets attractifs pour les talents et les fidéliser.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes professionnels qui aspirent à une carrière dans le domaine de l'expertise comptable ?

Cécile de Saint Michel : Ne vous mettez aucune limite, n’ayez peur de rien, notre métier permet tout. Il est tellement riche qu’il vous permettra de faire tout ce que vous voulez, comme vous le voulez, de composer avec votre vie personnelle, c’est un métier valorisant où tout est possible. Inspirez-vous de vos ainés mais n’hésitez pas à vous écarter de leurs traces pour faire les choses à votre manière. Les chemins sont nombreux vers la réussite.

Agnès Bricard : La vision historique de notre profession est cruciale pour les nouvelles générations d’experts-comptables. Ils doivent être ouverts au changement, à l’écoute de leurs clients et prêts à se remettre en question. En tant qu’ambassadeurs de la marque « expert-comptable », ils doivent promouvoir leur profession en France et dans le monde. Pour rayonner à l’international, ils doivent adopter de nouveaux modèles d’interprofessionnalité et engager une révolution culturelle au sein de leurs cabinets. L’interprofessionnalité capitalistique et d’exercice permet aux professionnels de mieux coopérer tout en respectant leurs obligations professionnelles et légales.

En tant que femme occupant un poste de leadership dans un domaine encore majoritairement masculin, quelles ont été vos expériences et vos stratégies pour surmonter les obstacles liés au genre ?

Cécile de Saint Michel : Ma carrière d’expert-comptable n’a pas été marquée par des difficultés liées à mon genre. Au contraire, ce métier m’a permis d’équilibrer responsabilités professionnelles et familiales, souvent associées aux femmes. J’ai choisi d’ouvrir mon propre cabinet pour cette liberté d’organisation, une décision peut-être moins évidente pour un homme.

Cependant, dans ma carrière institutionnelle, notamment en tant que présidente du CNO, j’ai ressenti la condescendance de certains hommes. Certains doutaient de ma capacité à assumer cette responsabilité et craignaient que je ne ridiculise l’institution. J’espère que mon mandat contribuera à mettre fin à ces préjugés et à démontrer que les femmes excellent dans ce domaine.

Agnès Bricard : Les femmes de ma génération ont dû adopter des comportements similaires à ceux des hommes pour accéder à des postes de leadership. Bien que cette approche ne soit plus un modèle aujourd’hui, elle m’a permis de prendre le lead et de faire avancer mes idées. Ma curiosité et mon ouverture d’esprit envers les autres, indépendamment du genre, ont toujours été mes forces.

Je crois fermement que la mixité et la parité apportent des changements positifs dans la gouvernance des entreprises, favorisant une écoute attentive et une capacité à intégrer des perspectives diverses, sources d’innovation. Une nouvelle forme de gouvernance, plus horizontale et basée sur des projets transversaux, semble émerger dans les entreprises.

Des études, telles que celles du boston consulting group ou de l’OIT en 2019, ont montré que lorsque les femmes occupent des postes de pouvoir, cela favorise une culture d’écoute, d’empathie et de partage, bénéfique à la compétitivité et à la durabilité des ressources naturelles. Ces exemples illustrent ma propre expérience. Comme le disait Saint-Exupéry, « Dans la vie, il n’y a pas de solutions ; il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent. »

Pouvez-vous partager une expérience ou un moment particulièrement gratifiant ou significatif que vous avez vécu en tant qu'expert-comptable et présidente de l'Ordre ?

Cécile de Saint Michel : Le 78e congrès à Montpellier l’année dernière a été un succès retentissant ! Avec un record d’affluence et des formations de grande qualité, c’était une expérience émotionnelle incroyable. Entourée de 7 500 collègues avec qui j’ai pu échanger chaleureusement malgré l’affluence. La présence de M. le ministre de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, a été un moment fort. J’ai pu discuter longuement avec lui et défendre le point de vue des experts-comptables. Ces trois jours ont été d’une intensité formidable.

En tant que professionnelle, ma plus grande satisfaction vient lorsque mes clients expriment leur gratitude pour l’accompagnement de mon cabinet, surtout dans les moments difficiles. C’est pour ces moments que je suis devenue expert-comptable.

Agnès Bricard : Le discours que j’ai prononcé lors de l’ouverture du 66e congrès de Marseille en 2011 reste un moment marquant de ma présidence. Devant plus de 5 000 collègues, j’ai abordé la thématique du financement des entreprises, défendant ainsi les intérêts de nos clients. Recevoir le prix de la meilleure audience nationale de l’office du tourisme et des congrès a été une reconnaissance supplémentaire, honorée à Bobino à Paris le 22 mars 2012.

Dans la gestion de mon cabinet avec mon associée, qui est également juge consulaire et vice-présidente du tribunal de commerce de Pontoise, je trouve des échanges enrichissants qui maintiennent mon expertise à jour. La fidélité et la reconnaissance de mes clients et collaborateurs sont également une source constante de satisfaction.

Enfin, comment envisagez-vous l'avenir de la profession d'expert-comptable et quelles sont vos aspirations pour son développement et son influence dans les années à venir ?

Cécile de Saint Michel : Je vois un avenir prometteur rempli de projets et d’une influence croissante, surtout avec l’attention grandissante de la classe politique envers le développement des TPE-PME sur tout le territoire. En tant qu’experts-comptables, nous sommes des acteurs essentiels de l’économie locale.

En travaillant en partenariat avec les pouvoirs publics de manière critique mais constructive, nous visons à établir notre rôle en tant que soutiens techniques dans l’élaboration des normes. Notre objectif est d’être davantage consultés pour éviter les règles injustes et les effets néfastes sur le développement des entreprises.

Agnès Bricard : Dans les années à venir, notre profession évoluera pour s’adapter aux changements économiques et sociaux, en offrant de nouveaux services d’accompagnement aux entreprises. Nos valeurs professionnelles, renforcées par nos règles déontologiques, notre référentiel normatif, le contrôle qualité, la formation continue et la tutelle ministérielle, sont largement reconnues. Cette base associée à notre image et notre marque nous a consacrés comme « tiers de confiance ».

En occupant le terrain de l’utilité de notre profession, nous continuons notre action politique fondée sur nos valeurs et notre capacité d’accompagnement des entreprises. En tant qu’interlocuteurs incontournables des entreprises, notre institution doit également rester un partenaire privilégié des pouvoirs publics, proposant des solutions et étant écoutée et entendue pour maintenir notre position unique.

2 clap clap

Ces articles peuvent vous intéresser

N° 120
05 janvier 2024
Article

Cellule d’accompagnement des TPE et PME : un partenariat unique pour la sécurité juridique

En 2019, dans le prolongement de la loi « ESSOC », le gouvernement a décidé de créer des dispositifs d’accompagnement des entreprises, visant à instaurer un dialogue avec les dirigeants des TPE/PME et les experts- comptables afin de leur apporter de la sécurité juridique en amont d’éventuels contrôles. Cette démarche s’inscrit notamment dans les orientations visant à promouvoir le rescrit fiscal*, et plus généralement celles visant à développer le dialogue avec les entreprises sur les questions de fiscalité qu’elles rencontrent.
Accompagnement
Portrait
Progresser
N° 120
05 janvier 2024
Article

Les mémoires d’expertise comptable, une source abondante d’information pour les cabinets !

La première remise de trophées aux mémorialistes de l’Ordre francilien valorise un travail de grande qualité, souvent méconnu ! Une ressource inspirante pour nos cabinets.

Inspiration
Vie de l'Ordre
N° 120
05 janvier 2024
Article

Le rôle essentiel du commissaire du gouvernement dans les commissions régaliennes

Quel est le rôle du commissaire du gouvernement dans les commissions régaliennes ?
Accompagnement
Actualités de l’institution
Portrait
Réglementation
Vie de l'Ordre