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Intégrer la durabilité dans les missions de conseils aux tpe/pme

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Durabilité
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Prendre en compte la dimension de durabilité dans ses missions d’accompagnement c’est possible mais cela nécessite de la pédagogie et de la patience. Gérard Cappelli, formateur-conseil, dédie ses activités professionnelles et surtout associatives à la transmission et l’accompagnement.

Après une trentaine d’années d’expérience de direction commerciale puis générale dans une PMI familiale devenue une ETI internationale, il souhaitait “passer la bonne parole“ sur le développement raisonné à d’autres dirigeants de PME/TPE.

Participant actif aux deux commissions normatives Afnor Qualité-Management et Développement durable RSE, il anime par ailleurs le groupe DD-RSE de l’association des Alumni des Arts et Métiers.

VOUS QUI ACCOMPAGNEZ DEPUIS DE NOMBREUSES ANNÉES LES DIRIGEANTS PME/TPE SUR CES SUJETS, COMMENT PERÇOIVENT-ILS LA RSE ?

Transformation écologique et numérique, entreprises à impact, à mission, contributives ou régénératives, etc. : que de vocables savants ! L’humble dirigeant de PME/TPE, probablement plus préoccupé par ses soucis de fin de mois que de fin du monde, est bien circonspect devant l’avalanche sémantique de ces dernières années.
Il a compris, de longue date, que sa responsabilité sociétale d’entrepreneur va au-delà de sa maîtrise financière puisqu’elle est la propre contribution de son entreprise au développement durable (définition de la RSE). De là à décliner ce concept en démarche pragmatique et opérationnelle, il y a un grand pas qui est loin d’être simple à franchir.

COMMENT LA RSE S’EST-ELLE STRUCTURÉE DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 2000 DANS LE TISSU DE PME/TPE ?

Deux mouvements parallèles se sont développés en France puis en Europe : la réglementation du reporting extra-financier dans les grandes entreprises, et les initiatives de RSE volontaire dans les PME/TPE. Pour le premier se sont succédées les lois NRE, puis Grenelle II, et les directives européennes transposées. Pour le second mouvement, la publication d’ISO 26000 en 2010 a fait naître les multiples labels RSE (Afnor, Agence Lucie, Ecocert…)

EST-CE QUE LA CSRD MARQUE UN TOURNANT POUR LE REPORTING RSE Y COMPRIS DANS LES PME/TPE ?

Du côté extra-financier, la directive européenne CSRD va fortement marquer l’évolution du reporting. Ce sont près de 45 000 entreprises européennes qui vont y être soumises (quatre fois plus que pour la directive précédente) et qui vont répercuter à la plupart de leurs fournisseurs et sous-traitants leurs attentes en termes de durabilité (nouveau vocable qui va s’imposer, sans pour autant occulter l’indétrônable RSE). Les PME/TPE seront impactées indirectement par les demandes de leurs grands donneurs d’ordre soumis à la réglementation et soucieux de mettre en oeuvre leur “devoir de vigilance“. Certaines sont déjà aguerries et se sont pliées au délicat exercice de réponse au questionnaire EcoVadis (7 000 notations en France à ce jour). Les plus avancées enfin ont mis en place une démarche de RSE robuste et structurée, en général accompagnée et reconnue par un label. Le taux d’entreprises à un tel niveau de maturité est estimé à 1 ou 2 pour mille de l’ensemble des PME/TPE avec salariés…

SELON VOUS, QUELLE PLACE PEUT ÊTRE OCCUPÉE PAR LES EXPERTS-COMPTABLES DANS CE NOUVEAU MARCHÉ ?

Financier et extra-financier sont de plus en plus imbriqués ; le format de rapport intégré fait de plus en plus d’émules. Les Big four comme les cabinets de taille moyenne ont bien compris le rôle qu’ils peuvent jouer en vérification extra-financière des grandes entreprises et des ETI. Qu’en est-il pour les experts-comptables de PME/TPE ? Ont-ils la taille critique qui leur permette d’investir en compétences extra-financières pour les exercer chez un nombre restreint de clients ? La réponse à cette question leur appartient, probablement largement débattue au sein de l’Ordre et des associations professionnelles. Elle est simplement abordée ici sous l’angle technique : comment, expertisant (ou vérifiant) l’entreprise sur ses aspects comptables et financiers, conseiller celle-ci (ou la vérifier) sur ses aspects extra-financiers ? Quelles compétences complémentaires sont nécessaires et comment aborder la vérification extra-financière ?

Outre une bonne expérience des entreprises, de leur mode de création de valeur (modèle d’affaires) et de leur façon de fonctionner (gouvernance-management), les connaissances et compétences des conseillers-accompagnateurs en RSE ou durabilité ont trait aux aspects humains, environnementaux et sociétaux.

Et s’il y avait une recommandation à faire aux candidats à ces postes (en RSE des PME/TPE ou aide au reporting volontaire de CSRD simplifiée), ce serait de se focaliser sur le “savoir prioriser“ ! Les outils pour faire du concept de “matérialité“ une démarche concrète et pratique ne manquent pas.

Exemples de missions RSE réalisées auprès de TPE

Christophe Fonteneau, expert-comptable du comité Durabilité

ILLUSTRATIONS CHEZ LES TPE DES INJONCTIONS DE LA PART DES DONNEURS D’ORDRE SUR LES SUJETS DE DURABILITÉ

Cabinet d’architectes d’intérieur
9 personnes – CA = 2,1 M€

Son donneur d’ordre du secteur du luxe lui demande d’adhérer sans aucune réserve à sa politique d’approvisionnement responsable et de s’engager à la mettre en oeuvre de manière effective dans toutes ses interactions avec le groupe. En plus, notre client doit accepter d’être audité par un tiers choisi par le donneur d’ordre sur l’ensemble des thématiques de la politique d’approvisionnement responsable du groupe.

Nos travaux ont porté sur la compréhension pour notre client, des enjeux liés à la politique d’approvisionnement responsable de son donneur d’ordre :

  • respect des 10 principes du Global Compact autour de 4 thèmes : Droits de l’homme, normes internationales de travail, environnement,
  • lutte contre la corruption,
  • prévention des risques environnementaux,
  • choix des matériaux et substances
  • mises en oeuvre sur les chantiers,
  • biodiversité et protection animale,
  • réduction des déchets et recyclage,
  • gouvernance et éthique.

Notre restitution s’est faite sur un support reprenant les attentes de la politique d’achat responsable du donneur d’ordre avec les réponses apportées par le cabinet d’architecte d’intérieur, notre client.

Quelques semaines plus tard, notre client a reçu une demande de son donneur d’ordre pour une demande d’évaluation de sa performance RSE par un organisme indépendant : EcoVadis.

Nous avons accompagné notre client dans ses échanges avec l’organisme évaluateur, dans les réponses apportées à un questionnaire très détaillé, mais surtout dans la production d’éléments de preuve (existants ou à créer).

Société de location d’engins de chantier avec opérateur
11 personnes – CA = 1,8 M€

Son donneur d’ordre du secteur du BTP lui demande de produire un état des émissions de gaz à effet de serre (en tonnes équivalent de CO2) sur les différents chantiers opérés à compter du mois de mars 2024.

Nos travaux ont porté sur l’identification des caractéristiques techniques des différents engins de chantier et camions, l’évaluation des facteurs d’émissions les mieux adaptés et la collecte des données sur le terrain. La difficulté a été d’obtenir des données techniques sur les moteurs de certains engins de chantier.
Les facteurs d’émission de la base de données de l’Ademe et les métriques relevées sur les chantiers nous ont permis de construire une matrice pour chaque chantier en fonction des véhicules et engins mis en oeuvre. Nous avons été amenés à indiquer un niveau d’incertitude en fonction des éléments à notre disposition.

Nous avons élaboré une feuille de collecte des métriques (trajets avec kilomètres parcourus chargés/non chargés, carburant consommé, remisage à domicile ou à l’entrepôt, trajets domicile-travail…) auprès des opérateurs sur le chantier.

ILLUSTRATION CHEZ UNE TPE D’UNE DÉMARCHE VOLONTAIRE SUR LES ASPECTS DE DURABILITÉ

Organisme de formation dans les « soft skills »
6 personnes – CA = 0,8 M€

Dans le cadre d’une réflexion autour de son modèle d’affaires et de la prise en compte d’enjeux socio-environnementaux, le dirigeant nous a confié une mission d’accompagnement autour de la raison d’être, du modèle d’affaires, des ressources mises en œuvre, du partage de la valeur et de l’entretien de ces ressources, des enjeux des parties prenantes, de la matérialité financière et à impact de ces enjeux, des impacts, risques et opportunités des principaux enjeux, des politiques assumées face à ces enjeux, des moyens mis en œuvre et des indicateurs de performance associés aux politiques.
Nous avons proposé une démarche autour de 4 ateliers répartis sur plusieurs mois :

ATELIER 1
Présentation de la démarche et réflexions autour du projet entrepreneurial commun. Ce premier atelier repose sur un travail individuel de réflexion en amont sur l’« Ikigaï » des associés et dirigeants : ce que vous aimez, ce en quoi vous êtes doué, ce dont le monde autour de vous a besoin, ce pour quoi vous estimez devoir être payé (passion-mission-vocation-profession). La confrontation avec le collectif donne lieu à des débats passionnants qui lorsqu’ils sont canalisés permettent de faire des premiers constats sur la vision des porteurs du projet entrepreneurial collectif.

ATELIER 2
Description du modèle d’affaires, des ressources utilisées (ici, principalement humaines et financières) et du partage de la valeur. À ce stade, il s’agit d’utiliser un vocabulaire commun (et ça, ce n’est pas toujours facile…), de poser les ressources contributives internes et externes, de faire le diagnostic du partage de la valeur existant. L’identification des principales parties prenantes est également effectuée (responsables formation et RH des principaux clients, formateurs internes et externes, participants, apprentis et stagiaires, ingénieur pédagogique, web développeur…) avec un planning d’entretiens à organiser avant le prochain atelier.

ATELIER 3
Construction d’une matrice de matérialité autour des enjeux recensés auprès des parties prenantes interrogées. Sur les principaux enjeux (financiers et/ou socio-environnementaux), nous avons recensé les impacts, les risques et les opportunités. La restitution a pris la forme d’une matrice de double matérialité et de tableaux de synthèse par enjeux majeurs. Elle pourra être actualisée par la suite par le management lui-même.

ATELIER 4
Définition des politiques envisagées pour répondre aux risques et opportunités identifiés. Quels moyens vont être affectés aux politiques, quels indicateurs de performance permettront de mesurer l’efficacité des politiques envisagées (objectifs, collecte et pilotage) ?
Ces ateliers ont été mobilisateurs auprès des équipes qui se sont appropriées le sujet.
Les équipes managériales ont beaucoup apprécié la démarche et la co-construction.

La durabilité : un enjeu investi par les jeunes experts-comptables

En décembre 2023, l’Ordre francilien remettait des trophées aux mémoires de DEC les plus aboutis. Nous avons interrogé 2 des lauréats sur les raisons qui les ont poussés à investir le sujet de la durabilité.

ARILLE LEKOTAN
EXPERT-COMPTABLE

« Deux raisons principales ont motivé le choix du sujet de mon mémoire qui porte sur “la proposition d’une démarche de mise en place de reporting RSE par l’expert-comptable dans les sociétés de l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), illustrée à travers une société d’exploitation
de carrière de granulats“.

Tout d’abord, c’est une motivation personnelle pour moi de développer, en parallèle des missions traditionnelles de l’expert-comptable, une spécialisation en RSE. Je suis convaincu, surtout en cette période post-COVID-19 où les parties prenantes jouent un rôle crucial dans la réorientation, que l’avenir de la profession dépendra de sa capacité à offrir des services de conseil. De plus, avec le développement de l’IA, il est impératif d’orienter notre profession vers de nouvelles perspectives.
La deuxième raison est que le concept de la RSE demeure largement méconnu par les entreprises en Afrique subsaharienne et est parfois mal compris. Ni la démarche RSE, ni le reporting RSE ne sont familiers aux dirigeants d’entreprises africaines, malgré les impacts négatifs de leurs activités sur l’environnement et la société en général.

Avec le changement climatique, la publication des informations extra-financières est devenue une pratique managériale courante au sein des plus grandes sociétés à travers le monde, ainsi que dans certaines PME des pays développés.

Bien que cette nouvelle forme de reporting d’informations extra-financières ait connu un essor important dans la plupart des pays développés, elle peine à prendre le pas en Afrique, en particulier dans l’espace UEMOA.

Même si depuis quelques années, à l’instar des pays développés, on observe une montée de la RSE en Afrique. L’absence de normalisation ou de références comptables suffisantes rend difficiles la communication des informations extra-financières dans l’espace UEMOA.
Pour les entreprises africaines qui publient des informations extra-financières, leur contenu dépend souvent de l’importance ou de l’intérêt qu’elles accordent à ces informations, ce qui favorise le risque de greenwashing en l’absence de règles claires.

Fort de ces constats, j’ai souhaité proposé un mémoire qui permettra aux experts-comptables d’accompagner, avec efficacité les entreprises dans leur démarche de reporting RSE. »

JENNIFER MAINGRE COUDRY
EXPERT-COMPTABLE

« L’accord de Paris est le point de départ d’une prise de conscience mondiale de l’urgence climatique que nous vivons. L’entrée en application de la CSRD est une des réponses apportées par l’Union européenne qui va bousculer le monde des entreprises en mettant les informations de durabilité sur un pied d’égalité avec les informations financières. Les experts-comptables étant déjà au cœur de ces questions, cela représente une opportunité indéniable de se positionner sur des missions à forte valeur ajoutée.

Bien que la France ait toujours été précurseuse et plus exigeante en matière de reporting extra-financier que les réglementations européennes, la mise en oeuvre de la CSRD est une véritable révolution pour les entreprises qui n’auront que très peu de temps pour se conformer aux nouvelles exigences réglementaires.

Auparavant nous manquions de données comparables à une même échelle d’information pour connaître l’engagement des entreprises. Désormais, grâce aux normes de durabilité d’application obligatoires, les entreprises d’un même secteur pourront tout à fait être analysées à travers un même prisme.

Dans la mesure où les premières publications auront lieu début 2025, c’est donc aujourd’hui que ces nouvelles missions s’ouvrent aux professionnels du chiffre. Former ses collaborateurs pour accompagner ses clients devient donc une nécessité, et cela permet aussi de diversifier ses missions pour une plus forte valeur ajoutée.

C’est pourquoi, il m’a paru essentiel de proposer, au travers de mon mémoire, une démarche méthodologique d’accompagnement des entreprises dans l’élaboration de leur futur rapport de durabilité. »

Le Sénat vous simplifie la compréhension de la nouvelle directive !

« Le rôle de l’expert-comptable prend toute son importance dans l’intégration de la CSRD par les chefs d’entreprise. Le rapport de la mission flash du Sénat propose une lecture critique et une analyse de la réforme, dont découlent 10 recommandations, certaines applicables dans nos missions de conseil auprès de nos clients. »
Karim Bangoura, vice-président du comité Durabilité de l’OEC IDF

Le Sénat a mis en place une mission flash autour du sujet de la CSRD afin de répondre rapidement à des problématiques urgentes. Elle a donné naissance à un document synthétique, relevant les principales recommandations de la délégation pour réussir la mise en oeuvre de cette directive. Des avis qui peuvent être intégrés au rôle de l’EC dans ce changement :

  • Accélérer et amplifier la formation des parties prenantes
  • Vulgariser les termes de la nouvelle politique
  • Accompagner la compréhension de la directive et son application

Qu’est-ce qu’une mission flash ?

Une mission flash au Sénat est une enquête ou une étude menée de manière rapide et ciblée sur un sujet spécifique.

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