5 conseils pour prévenir les risques de défaillance et mieux accompagner les entreprises en difficulté
Surveillez les signes avant-coureurs
La prévention des défaillances commence par une surveillance régulière et attentive des indicateurs clés. En tant qu’expert-comptable, vous êtes le premier à pouvoir alerter vos clients sur les signes faibles mais révélateurs de difficultés imminentes.
Ces signes sont souvent d’ordre financier : dégradation de la trésorerie, allongement des délais de paiement des fournisseurs, baisse du chiffre d’affaires, … La marge, la capacité d’autofinancement ou le BFR sont également des points cruciaux à surveiller de près.
Mais les alertes peuvent également être commerciales, opérationnelles, voire humaines. Une baisse de motivation des équipes ou des tensions internes sont souvent des indicateurs précurseurs de problèmes sous-jacents.
Mettre en place des tableaux de bord personnalisés et des points de pilotage réguliers permet aux dirigeants de disposer en temps réel de leur situation et d’identifier les difficultés avant qu’elles ne s’aggravent.
Diagnostiquez les risques et accompagnez les dirigeants dans les solutions
Une fois les signaux d’alerte repérés, la priorité est de réaliser un diagnostic approfondi de l’entreprise. Celui-ci doit permettre d’identifier précisément l’origine des problèmes : mauvaise gestion, perte de compétitivité, conjoncture économique défavorable ou, parfois, des fragilités structurelles comme un endettement excessif. Il ne s’agit pas seulement d’une analyse financière, mais aussi d’un regard stratégique sur la place de l’entreprise dans son marché et sur ses opportunités de redressement.
Une fois ce bilan établi, l’expert-comptable joue un rôle clé pour accompagner le dirigeant dans la mise en œuvre des solutions adaptées : restructuration des coûts, adaptation des processus internes pour améliorer la productivité, négociation des conditions avec les fournisseurs, les banques ou les clients pour desserrer les contraintes de trésorerie…
L’expert-comptable doit aussi être force de proposition en explorant des pistes innovantes (recours au leasing, au factoring ou au financement participatif par exemple. L’objectif ultime est de redonner au dirigeant une marge de manœuvre suffisante pour redresser la situation.
Recourir à une procédure de conciliation : agir rapidement pour préserver l'avenir
Quand les difficultés deviennent critiques et que la cessation des paiements menace, la conciliation avec les créanciers constitue une solution précieuse. Cette procédure confidentielle offre aux dirigeants une chance de renégocier les conditions de remboursement tout en maintenant l’activité de l’entreprise. Obtenir un accord amiable garantit la continuité de l’activité et évite les procédures collectives, souvent plus contraignantes et risquées.
Les créanciers sont généralement disposés à trouver un terrain d’entente lorsqu’ils perçoivent une volonté de redressement. Une conciliation bien menée peut non seulement apaiser les tensions, mais aussi rétablir un climat de confiance indispensable.
Cependant, le succès de cette démarche repose sur deux éléments clés : la rapidité d’action et la transparence. Plus l’expert-comptable intervient tôt aux côtés de l’entrepreneur, plus il est possible de construire une stratégie réaliste et convaincante pour rassurer toutes les parties prenantes.
Se former et d'informer : un prérequis indispensable
Si ce conseil figure en quatrième position, il pourrait tout aussi bien être le premier, tant il est fondamental. « En échangeant avec des confrères et consœurs, je suis toujours frappé de constater combien les notions de procédures collectives et de conciliation restent floues pour beaucoup de professionnels, » souligne Nicolas Yakoubowitch. On a de vagues souvenirs de nos années d’études, mais en réalité, beaucoup de professionnels ne connaissent pas précisément les différences entre les procédures et ont encore beaucoup d’idées reçues sur les conséquences de chacune pour l’entreprise.
Pour pouvoir bien orienter et conseiller ses clients, il est indispensable de se former et de rester en veille pour suivre les évolutions réglementaires et mettre à jour ses connaissances.
C’est pourquoi, l’Ordre des experts-comptables d’Île-de-France propose régulièrement des conférences et ateliers gratuits, que l’on peut également suivre en replay.
S'entourer des bons alliés : une clé pour un accompagnement réussi
« Accompagner une entreprise en difficulté, c’est toujours un travail d’équipe », affirme Nicolas Yakoubowitch. Pour réussir cet accompagnement, il est essentiel pour l’expert-comptable de s’entourer des bons spécialistes et de mobiliser un réseau d’interlocuteurs adaptés. Bien que son rôle soit central, la réussite de la démarche repose souvent sur une collaboration étroite avec des mandataires ou administrateurs judiciaires, des avocats spécialisés, des banquiers, ou encore des juges consulaires.
L’expert-comptable n’a pas à tout maîtriser seul, mais il doit avoir le réflexe d’orienter les dirigeants vers les bons partenaires selon les situations. « Parfois, un client peut avoir du mal à entendre les alertes que lui adresse son expert-comptable. Reconnaître les difficultés de son entreprise et envisager des solutions peut être un cap difficile à franchir. Certains dirigeants choisissent de nier le problème, de se braquer, ou même d’interrompre le dialogue. Dans ces cas-là, il peut être judicieux de passer le relais à un interlocuteur extérieur, comme le CIP, qui pourra renouer le dialogue et apporter un regard différent. »
Pour identifier les interlocuteurs adéquats et élargir votre réseau, l’Ordre des experts-comptables d’Île-de-France met à disposition des listes de confrères et d’avocats spécialisés. Il peut également vous orienter vers des dispositifs d’aide comme le CIP, l’APESA ou d’autres cellules dédiées.
Paroles d'expert
« Lever la tête du guidon, aider nos clients à se projeter, c’est là que nous devenons de véritables partenaires stratégiques. » Nicolas Yakoubowitch, EXPERT-COMPTABLE, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION PRÉVENTION DES DIFFICULTÉS DE L’OEC D’ÎLE-DE-FRANCE
Pour mieux accompagner les entreprises et prévenir les défaillances, les experts-comptables doivent changer de posture. Il faut sortir de la « culture du rétroviseur ». Par notre formation, nous sommes parfois focalisés sur le passé : la saisie, les liasses fiscales, les bilans… Si cette rigueur est précieuse, elle ne suffit pas.
Ce changement est essentiel, surtout en période de turbulences. Une relation de confiance bien établie permet au dirigeant d’être réceptif à nos recommandations, notamment quand on leur recommande de prendre des mesures difficiles, comme entamer une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation. C’est cette posture proactive et collaborative qui fait la différence et transforme notre rôle, de prestataire à conseiller de confiance.
On compare souvent l’expert-comptable à un médecin de famille. Si vous n’avez pas confiance en votre médecin, vous n’avez pas envie de l’écouter quand il vous conseille de subir une opération. Mais si tout au long de votre relation, il a su vous montrer que vous pouviez compter sur lui, que vous étiez engagé à ses côtés pour préserver sa bonne santé, il sera plus enclin à vous écouter en cas de crise.
« Les experts-comptables se retrouvent parfois confrontés à un véritable dilemme lorsqu’il s’agit d’accompagner des entreprises en difficulté. » Sophie Julliard*, EXPERT-COMPTABLE ET JUGE CONSULAIRE EN ÎLE-DE-FRANCE
D’un côté, leur responsabilité les oblige à alerter leurs clients, notamment en faisant dans les temps la déclaration d’état de cessation des paiements, sous peine d’engager, le cas échéant, la responsabilité de ces derniers. Mais de l’autre, lorsque l’expert-comptable commence à tirer la sonnette d’alarme, certains entrepreneurs se sentent trahis et se braquent, ce qui peut parfois briser la relation. Pour éviter cette situation, il ne faut pas hésiter à orienter les clients vers des dispositifs dédiés comme le CIP, ou vers un mandataire judiciaire. Il est crucial de préserver au maximum la relation : au Tribunal de Commerce, l’absence de l’expert-comptable est souvent perçue comme un signal très négatif, indiquant que les difficultés de l’entreprise sont déjà trop profondes pour être surmontées.
*(Prénom et nom modifiés dans un souci d’anonymat).
« Les experts-comptables jouent un rôle clé en prescrivant les dispositifs à activer juste avant les procédures collectives. » Christine Mariette, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE À LA PRÉVENTION DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES AU TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
Avec un taux de réussite de 70 %, les procédures amiables sont une solution efficace, mais elles ne représentent hélas aujourd’hui que 11,9 % des cas. Nous pouvons et devons faire mieux. Votre action, en tant qu’experts-comptables, est essentielle pour intervenir en amont et éviter d’en arriver aux situations critiques.